Cher Manuel Valls,
Je t’écris cette lettre que tu ne liras pas car tu n’as
pas le temps. Sans doute, es-tu trop occupé à élaborer des stratégies contre le
premier ministre espagnol de centre-gauche Pedro Sanchez ou bien contre la
mairesse de gauche de Barcelone Ada Colau.
Je souhaiterais profondément que tu sois un Pokémon pour
que nous puissions te dire « Manu reviens » et que tu demeures
enfermé dans ta Pokéball afin que tu arrêtes de foutre la merde partout où tu
vas tel un membre de la Team Rocket.
Trêve de plaisanteries. Je t’implore, je te supplie de
revenir dans ton pays d’adoption, celui où tu as été Premier Ministre. Oui je
le sais, tu as été un homme politique assez minable sur le sol français. Tu as
conduit une politique libérale inlassablement en faveur de tes amis du MEDEF et
éternellement en défaveur des classes moyennes et populaires. Tout cela en te
réclamant de la gauche… Un hiver durant, tu t’es occupé personnellement de faire
la promotion, la publicité d’un ancien grand humoriste français qui était
depuis devenu une voix de l’antisémitisme et du négationnisme. Et dans ton
extrême générosité, tu le faisais gratuitement !!(enfin, aux frais du contribuable plus exactement...) Tu t’es présenté à des
primaires que tu as perdues logiquement, celles-ci s’appelant « primaires
de la gauche » peut-être avais-tu mal lu l’intitulé ? Puis, tu n’as
pas respecté ton engagement en n’appelant pas à voter pour le vainqueur de
cette primaire au 1er tour des présidentielles, tu as su donc superbement continuer de renforcer le sentiment
de dégoût de la politique chez tes concitoyens.
Tout ce que je t’ai dit, ce sont des faits indéniables,
irréfutables. Mais, malgré tout, ils appartiennent au passé et personne n’est
aujourd’hui en capacité de changer le passé (Marty McFly et le Doc Emmet Brown,
il serait temps de vous bouger !). Personnellement, ce qui me préoccupe c’est
le présent. Et aujourd’hui, tu fais de la politique dans le pays où tu es né.
Or, ce pays était pour moi, depuis quelques années, le lieu vers lequel mes
yeux se tournaient lorsqu’ils cherchaient une lueur d’espoir dans ce monde
aussi sombre que les terres du Mordor. Avec le mouvement des « Indignados »
en 2011, la naissance de « Podemos » en 2014 ou encore, en 2015, l’arrivée de deux femmes résolument de gauche dans les mairies des deux plus grandes villes du pays. Oui, c’est en Espagne que les raisons
de croire à un soulèvement du peuple contre les politiques ordolibérales étaient
les plus nombreuses. J’avais un rêve, celui d’une nouvelle Espagne qui serait
un exemple conduisant à une nouvelle France puis une nouvelle Europe. Ce rêve
était doux, ce rêve était rafraîchissant, ce rêve était enivrant… Puis, tu es
venu t’immiscer dans ce rêve, le transformant en cauchemar tel Freddy Krueger.
Tu avais déjà planté tes griffes acérées dans la République Française, cela ne
te suffisait-il pas ? Avais-tu le besoin de répandre le mal, dont tu es
devenu pour certains l’incarnation, dans un autre pays ?
Oui, j’en suis conscient, tu es né et as vécu en Catalogne
alors que ce n’est pas mon cas. Pourtant, je n’ai pas l’impression que tu
comprennes très bien la culture, l’histoire, l’identité de ce territoire.
Apparemment, tu es venu à Barcelone pour te confronter aux indépendantistes catalans
que tu ne supportes pas. Déjà, ça a mal commencé, tu as dû faire erreur sur ton
lieu d’arrivée, la mairesse sortante n’est pas une indépendantiste, désolé de
te l’apprendre. Tu es devenu le candidat d’un parti qui revendique le libéralisme :
Ciudadanos. J’en suis absolument ravi ! Au moins, dans ce pays-là, tu n’avanceras
pas sous un masque social-démocrate. Mais je m’interroge véritablement sur les
raisons qui peuvent pousser un homme politique de premier plan à aller s’engager
dans un autre pays. Tu dois sacrément haïr les indépendantistes. Et toi, ça ne
t’a pas choqué qu’un certain 1er octobre 2017 des gens se prennent
des coups de matraque dans la face parce qu’ils commettaient un délit, que
dis-je, un crime horrible : « voter » ?! De plus, dimanche
dernier, tu as défilé*, tranquillement, sans problème de conscience, aux côtés
du Parti Populaire qui est certainement le grand parti de droite le plus réac d’Europe
occidentale mais aussi de Vox, parti d’extrême droite nostalgique du franquisme
qui milite (entre autres) pour l’interdiction de l’avortement. Et contre quoi
as-tu défilé ? Contre le dialogue ! Toi, qui es le premier à venir donner
des leçons de républicanisme à Jean-Luc Mélenchon ou à d’autres personnalités
vraiment de gauche, tu manifestes contre le dialogue !? Mais le dialogue,
c’est ça la République ! C’est ça la démocratie mon pauvre ! Je suis
confus de devoir porter cela à ta connaissance si tardivement dans ta vie
politique mais c’est la vérité ! C’est autre chose que le 49/3, je te l’accorde…
Car oui, Pedro Sanchez (qui est d’ailleurs membre de ton ancienne famille
politique que tu as visiblement décidé de continuer d’éviscérer) cherche à mettre
en place un dialogue avec les indépendantistes catalans. Tu souhaiterais quoi à
la place ? Qu’on recommence à matraquer les gens un bon coup histoire de
rentrer bien fort dans leur crane que l’Espagne doit être unie ? Qu’on
jette les gens en prison, à l’instar de ce qui fut fait pour les Jordis ?
Tout ça parce-que TOI tu ne veux pas comprendre qu’il
y a des raisons historiques objectives qui poussent les gens vers l’indépendantisme.
Effectivement, la naissance même de l’union de la Catalogne avec le reste de l’Espagne
est problématique. On dit que l’appartenance de la Catalogne à l’Espagne est un
fait irrévocable datant de 1474 et découlant du mariage de Ferdinand d’Aragon à
Isabelle de Castille. Or, depuis quand un mariage de souverains entraîne-t-il
mécaniquement un mariage de leurs peuples ? Également, je ne sais pas si
tu es au courant, mais au cours du XXème siècle l’identité catalane a souvent
été bafouée, méprisée, réprimée, interdite… Non seulement sous la dictature de
Francisco Franco évidemment mais même auparavant sous Primo de Riviera. Ainsi,
pour ma part, je crois que lorsqu’une pensée, une identité est comprimée,
étranglée durant de longues années, il est logique que lorsque la bride est
lâchée (comme ça a été le cas avec la fin du franquisme) celle-ci s’exacerbe.
Par ailleurs, il faut se poser la question : « Qu’est-ce qui unie la
nation espagnole ? » Contrairement à la France qui a constitué son
unité nationale sur des valeurs, celles de la République, l’Espagne (en tant
que nation) s’unie autour de sa couronne. Tu n’es pas sans savoir que ces
dernières années avec des affaires comme le safari de Juan Carlos ou encore les
dépenses plus qu’outrancières de son gendre aux frais du contribuable, cette
monarchie a de plus en plus de mal à être un symbole fédérateur pour le peuple
espagnol. Si tu me le demandes, au risque de te décevoir, je ne suis pas
forcément en faveur de l’indépendance de la Catalogne. Avec mon regard
extérieur, j’ai un amour prononcé de l’Espagne que je trouve belle dans sa
diversité (notamment culturelle). Par conséquent, je préférerais que l’Espagne reste
unie et ne perde pas la Catalogne. Mais, contrairement à toi, je ne reste pas
sourd à ce que disent tous ces gens qui veulent l’indépendance. J’essaie de les
écouter, de les comprendre… Aussi, contrairement à toi, je suis pour l’autodétermination
des peuples et pour la démocratie c’est pourquoi il me parait légitime que se
tienne un référendum sur le statut du territoire et qu’a fortiori le résultat
de ce référendum soit réellement pris en compte. Contrairement à toi, je suis
un véritable républicain, et même si je n’appartiens pas à la famille politique
de Pedro Sanchez, j’approuve sa démarche de dialogue qui me semble aller dans le
sens de l’apaisement que nous devrions tous souhaiter. Enfin, contrairement à
toi, je pense que les valeurs de la République sont le meilleur moyen de s’unir,
de « faire nation », et il me semble qu’il serait temps de remettre
en cause la monarchie espagnole (qui coûte beaucoup d’argent et n’unit plus le
peuple) et je rêve de l’émergence à sa place d’une République Espagnole qui
saurait rassembler castillans, catalans, basques, andalous, galiciens… Tout en
préservant leur diversité.
Alors oui, Manu, s’il te plaît, reviens ! Je t’en
conjure ! Je suis même prêt à m’assurer personnellement du fait que tu
bénéficies de tous les privilèges et de toutes les espèces sonnantes et trébuchantes
qui te reviennent de droit en tant qu’ancien Premier Ministre ! Viens
profiter d’une retraite bien méritée dans notre beau pays ! Je te montrerai
moi-même des petites plages tranquilles dans le Var ou sur la Côte bleue où tu
pourras te prélasser au soleil ! Je te borderai le soir dans ton lit
doré ! Je ferai tout ce que tu veux ! Mais s’il te plait !
Laisse les espagnols et les catalans tranquilles ! Ils ont suffisamment souffert
durant leur histoire pour qu’on ne les accable pas, en plus, d’un malheur comme
toi.
Bien socialement.
PS : J’oubliais, toi qui t’es parfois réclamé de
Jaurès. Il a une phrase à t’adresser « Si on déplie le mot de République,
on se rend compte que celui-ci contient le socialisme ». Et oui, tu sais
ce mot « socialisme » que tu as voulu voir disparaitre du nom de ton
parti, il est effectivement contenu dans le concept de « Res Publica » :
« La chose commune ». Cette idée même d’une institution partagée par
tous les citoyens est profondément socialiste. Alors oui, c’est la dernière
fois que je me permets de te faire la leçon aujourd’hui, mais clairement, la
prochaine fois, essaie de comprendre le sens des mots avant de faire toi-même
des leçons de républicanisme.
*http://www.lefigaro.fr/international/2019/02/09/01003-20190209ARTFIG00116-espagne-valls-se-rendra-a-une-manifestation-de-la-droite-et-de-l-extreme-droite.php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire